Presque le bout du monde. L’île de la Terre de Feu, située au Sud du continent, est partagée entre le Chili et l’Argentine. Elle est bordée au Nord par le détroit de Magellan et au Sud par le Canal de Beagle. Tout au Sud on arrive à Ushuaia, la ville la plus australe du monde mais pas encore le dernier lieu habité puisqu’au Chili on retrouve des villages encore plus au Sud (sans parler de l’Antarctique), notamment Puerto Williams sur la Isla Navarino de l’autre côté du détroit de Beagle. Les deux pays se disputent ce statut non officiel de ville du bout du monde pour attirer les touristes et en faire profiter l’économie… Actuellement, le Chili construit une route pour aller plus au Sud d’Ushuaia par voie terrestre : c’est la petite « « gueguerre » dans le coin pour ça (et en même temps vu les prix et le nombre de touriste…il y a un sacré enjeu !).
La Terre de feu tire son nom du voyage de Magellan, qui, lors de son passage, vit avec les membres de l’expédition, de grands feux brûler nuits et jours sur toutes les côtes de l’ile. De là est venu le nom : Tierra del fuego ! Les feux auraient été allumés par les indiens vivant sur l’ile (peut-être pour prévenir les tribus voisines de l’arrivée d’ennemis…). Magellan n’a pas débarqué, mais le nom est resté.
Pour nous le début du voyage vers la Terre de Feu commence à Rio Gallegos, un peu au nord de l’île. Nous y sommes arrivés après 48h de bus depuis Buenos Aires (avec une pause de quelques jours à mi-chemin à Puerto Madryn pour observer notamment les baleines). On y retrouvera nos vélos arrivés par camion quelques jours plus tôt…sains et saufs !

panneau vent fort patagonie

On constate très vite qu’ici il va falloir compter avec le vent parce que ça souffle…et pas qu’un peu ! La première nuit en tente nous l’apprend à nos dépens ! Nous sommes en effet réveillés à 4 heures du matin par de grosses bourrasques qui plient les tentes dans tous les sens. Nous ne nous envolons pas et ne souffrons pas de gros dégâts mais nous sommes maintenant prévenus, la nuit ici il vaut mieux être à l’abri. En revanche le 1er spot était sublime…en bord de cratère d’un volcan éteint. En repartant ce matin nous avons l’objectif d’arriver pour de bon en Terre de Feu et de traverser le détroit de Magellan. La journée sera éprouvante avec un vent de côté qui nous use et qui nous empêche de rouler correctement. Pour aller en Terre de Feu il faut impérativement passer par le Chili.
Le premier contact n’est pas des plus heureux puisque les douaniers sont beaucoup plus pointilleux qu’en Argentine et en Uruguay. Il faut vider les sacoches et nous nous faisons confisquer un saucisson (c’est le comble pour des français…). Ça plus le vent ça commence à faire beaucoup… Nous décidons de tenter le stop sur un bout de chemin pour éviter le vent. Coup de bol après une bonne heure d’attente nous voilà embarqués avec les trois vélos à l’arrière d’un pick-up qui nous déposera 30 km plus loin.

3 hommes avec vélo derrière un pick up en stop

Plus que 10 km à faire avant le ferry et là avec le vent dans le dos. Il nous faudra moins de 30 minutes pour arriver à l’embarquement. Après une rapide traversée du détroit de Magellan nous voici enfin en Terre de Feu ! Nous passerons la nuit à l’embarcadère de l’autre côté. Sous tente mais abrité du vent avec douches chaudes gratuites et internet…le luxe !

En repartant le lendemain nous roulons à un bon rythme, aidé par le vent cette fois ci. Il faut dire que dans l’ensemble il nous aura plus aidé que contrarié puisque jusqu’à Ushuaia nous l’aurons plus souvent eu dans le dos, ce qui nous permet de faire des belles étapes en peu de temps avec des pointes à 60 km/h et des moyennes à 30km/h.
Les paysages sont magnifiques, on les voit changer même le temps d’une journée. On passe progressivement de la pampa au Nord à un paysage plus forestier ; puis au bout de quelques jours nous apercevons enfin les montagnes, elles nous ont manqué depuis le début. Ici les gens disent que l’on peut observer 4 saisons en une journée. Il fait globalement assez froid ; dès que l’on s’arrête, on attrape vite froid de part le vent (ce dernier fera prochainement l’objet d’un article à lui seul) ; il pleut quelques minutes chaque jour mais jamais de grosses pluies. Par conséquent, on cherche des coins abrités pour manger, ce qui n’est pas toujours facile car il n’y a pas grand-chose entre deux villes. Un jour, en allant demander s’il est possible de manger derrière une maison à l’abri du vent nous tombons sur…des Ukrainiens ! Celle-là on ne l’avait pas vu venir ! Ils ne parlent ni anglais ni espagnol, difficile d’expliquer que l’on cherche juste un abri pour le vent mais finalement on y arrive. L’un d’eux Sergeï nous interprètera même une petite chanson ukrainienne, nous apportera du thé et nous montrera des photos de vacances dont une de lui en slip dans la neige (et tout ça sans comprendre un mot de ce qu’il raconte et de ce que lui et son équipe font perdu au milieu de la Terre de Feu). On suppose qu’ils sont venus pour pêcher… En tout cas il aura fait notre journée : merci Sergeï!
Pour dormir sur ces quelques étapes nous avons tout essayé, nuit sous tente à l’abri de l’office de tourisme à Cerro Sombrero ; nuit dans un abri bus (qui sent la pisse) et perdu au milieu de nulle part au Chili ; à la douane argentine à San Sebastian (dans une petite pièce avec cuisine prévue spécialement pour les voyageurs comme nous). Nuit chez un ancien champion de vélo à Rio Grande qui tient maintenant une boutique de vélo (le soir il cuisinera pour nous quatre, deux kilos d’escalope milanaise…). On se rend compte que le réseau de cyclotouristes en Amérique du Sud est énorme ! Une fois que l’on a mis le pied dedans, le contact pour l’hébergement ou autre devient plus aisé.
Nous passerons également deux nuits dans le petit de village de Tolhuin où nous sommes hébergés par Emilio le patron de la Panederia (boulangerie). Une institution dans le coin et le point de ralliement de tout le village et plus. Emilio accueille gratuitement les voyageurs dans une petite chambre (au milieu des stocks) ou dans le sous-sol de la réserve. On y passera deux jours de repos à manger beaucoup de pâtisseries (excellentes) sans arriver à toutes les goûter, ça vaut clairement le détour.
homme devant vitrine boulangerie patagonie

On y retrouve d’ailleurs JB, un voyageur français croisé en Uruguay qui voyage en stop avec qui nous avions gardé contact. C’est marrant de se retrouver au même endroit que lui au bout d’un mois. On se retrouvera encore la nuit suivante, dernière nuit avant Ushuaia, dans une cabane abandonnée au bord d’un lac. Point de rendez vous des voyageurs puisqu’en plus de nous 4, JB retrouve un belge qu’il a déjà croisé. 1 colombienne et un écossais que nous avions rencontré la veille à Tolhuin sont également présent. La vue est superbe et la cabane qui est équipée d’un poêle ; pas de douche mais l’eau du lac (certes bien froide) fera l’affaire…c’est royal ! Entre Rio Gallegos et Ushuaïa nous n’auront pas payé une seule fois pour dormir ! On a par ailleurs été surpris de trouver facilement et régulièrement des douches gratuites un peu partout au Chili.

vue depuis châlet sur lac et montagne patagonie

Dernier jour de vélo avant Ushuaia. On commence par un col (plus grosse montée jusque-là) : facile ! On est entre les montagnes et le vent ne souffle plus beaucoup. Un dernier tournant et nous voilà aux portes de la ville. On file à l’office de tourisme faire le tampon fin du monde sur le passeport et prendre une photo devant le panneau !
On restera une semaine à Ushuaia, trois jours chez Augusto un gars du coin (du réseau de cyclotouristes) et le reste en auberge de jeunesse. On en profite pour faire un peu de rando avec un coup de cœur pour la Laguna Esmeralda et le glacier Vinciguerra et une déception pour le glacier Marcial (en fait on cherche encore le glacier, il a dû fondre…). Pour nous, la ville en elle-même n’a rien d’extraordinaire, beaucoup de touristes (notamment français). En soit, c’est une ville de pécheurs assez récente qui s’est métamorphosée pour les touristes…pas de coup de cœur ! On y va surtout pour les paysages alentours à couper le souffle.

vue panorama glacier vinciguerra patagonie

Après une bonne pause on quitte finalement Ushuaia en bateau, cap encore plus au Sud, mais c’est une autre histoire… En attendant, on vous laisse admirer quelques-uns de nos clichés dans la galerie !